Avant de décrypter un peu plus en détail les différences entre un préjudice patrimonial et un préjudice extrapatrimonial, puis de voir plus en profondeur l'un puis l'autre, insistons aussi sur le fait qu'ils ont un point commun fondamental, ils entrent tous les deux dans le périmètre de l’indemnisation. Cumulés, ils constituent la liste des préjudice de la nomenclature Dintilhac, base de référence s'il en est pour pouvoir indemniser les victimes des accidents de la route.
Les préjudices patrimoniaux
Dans le cadre d’un dommage subi, la question de l’indemnisation se pose avec une acuité particulière, tant pour la victime que pour les juridictions chargées d’évaluer les conséquences du fait générateur. Parmi les différentes catégories de préjudices, les préjudices patrimoniaux occupent une place essentielle dans le droit à la réparation des préjudices subis notamment dans les accidents de la route. Leur spécificité réside dans leur caractère quantifiable, mesurable et directement lié au patrimoine de la victime. Contrairement aux atteintes plus subjectives ou personnelles, les préjudices patrimoniaux sont fondés sur des pertes ou des manques à gagner concrets, évaluables financièrement. Comprendre cette notion permet non seulement d’appréhender le processus de réparation des victimes, mais également de saisir la complexité de l’évaluation juridique du dommage. Le préjudice patrimonial touche à des réalités tangibles :
- dépenses,
- revenus,
- biens,
- capacités professionnelles ou économiques.

Son indemnisation s’inscrit dans une logique de restitution de l’équilibre antérieur, afin que la victime et / ou son entourage soit replacée, autant que possible, dans la situation où elle se trouvait avant la survenance du dommage. À travers les différentes formes que peut revêtir ce type de préjudice, ainsi que les principes encadrant sa reconnaissance et sa réparation, se dessine toute une architecture juridique au service de la protection des intérêts économiques des individus. Ce sont ces dimensions que nous allons explorer ici dans un premier temps.
Préjudices patrimoniaux définition : qu'est-ce qu'un préjudice patrimonial ?
Avant toute analyse, il est fondamental de poser les bases conceptuelles de ce qu’est un préjudice patrimonial. Il s’agit d’une atteinte ayant des répercussions économiques directes sur le patrimoine d’une personne. En d’autres termes, c’est un dommage chiffrable, qui entraîne une perte financière effective ou une dépense supplémentaire, résultant d’un fait dommageable.
La notion recouvre une double dimension : d’une part, les pertes subies, et d’autre part, les gains manqués.
Cette distinction classique permet de structurer l’analyse juridique et économique du dommage. Les pertes subies concernent ce que la victime a effectivement dû supporter comme dépenses ou pertes matérielles. Les gains manqués, eux, correspondent aux profits que la victime aurait légitimement pu espérer percevoir si le fait dommageable ne s’était pas produit. Le préjudice patrimonial peut affecter aussi bien des particuliers que des personnes morales. Dans le cas des individus, on pense immédiatement aux frais médicaux, aux pertes de revenus ou encore aux coûts d’adaptation du logement. Pour les entreprises, il peut s’agir d’une perte d’exploitation, d’un manque à gagner ou d’une dégradation d’équipement.
Les préjudices patrimoniaux temporaires et permanents
Pour mieux comprendre les enjeux de l’indemnisation d'un préjudice patrimonial, il convient tout d'abord de rappeler qu'il s'appuie sur un caractère qui s'inscrit dans le temps à savoir s'il est permanent ou temporaire. La distinction entre préjudice temporaire et préjudice permanent permet de mieux structurer l’évaluation des dommages et de les inscrire dans une chronologie cohérente.
Préjudice patrimonial temporaire
Le préjudice patrimonial temporaire concerne la période qui s’écoule entre le fait dommageable et la consolidation médicale de la victime. Durant cette phase, les conséquences économiques sont encore évolutives et peuvent inclure des frais médicaux initiaux, une incapacité temporaire de travail, ou encore des coûts de transport spécifiques. Ces éléments relèvent d’un dommage transitoire mais pour autant effectif, qui mérite réparation.
Préjudice patrimonial permanent
Le préjudice patrimonial permanent, quant à lui, débute à partir du moment où l’état de la victime est considéré comme consolidé, c’est-à-dire considéré comme stabilisé. À ce stade, les conséquences deviennent durables, voire définitives. Il peut s’agir d’une perte de capacité professionnelle, d’un besoin en assistance permanente, ou d’une dévalorisation d’un bien immobilier. Cette projection dans l’avenir exige une estimation rigoureuse et souvent prospective, ce qui rend l’évaluation plus complexe mais indispensable à une indemnisation complète.
Les principales composantes du préjudice patrimonial
Si les contours du préjudice patrimonial sont larges, certaines catégories reviennent de manière systématique dans la pratique judiciaire. Ces éléments constituent ce que la jurisprudence et la doctrine identifient comme les principales composantes de ce type de dommage.
Les dépenses de santé actuelles et futures
Lorsqu’un accident ou une agression entraîne des blessures, les frais médicaux représentent souvent la forme la plus évidente de préjudice patrimonial. Ces dépenses peuvent inclure les consultations, les hospitalisations, les médicaments, les interventions chirurgicales, mais aussi les frais de rééducation ou d’appareillage. Au-delà des frais immédiats, la prise en compte des dépenses futures est également fondamentale. Il peut s’agir d’un traitement à vie, d’un suivi médical prolongé ou d’un remplacement régulier de prothèses. Dans ce cas, l’indemnisation repose sur une estimation probabiliste, fondée sur l’état de santé de la victime, son espérance de vie et l’évolution prévisible de son état.
Les pertes de revenus et les gains manqués
L’un des aspects les plus impactants du préjudice patrimonial concerne la privation de ressources économiques. Une personne qui ne peut plus exercer son activité professionnelle, temporairement ou définitivement, subit une perte de revenus que la justice doit prendre en compte. Cette évaluation prend souvent la forme d’un calcul comparatif entre la situation antérieure et la situation actuelle ou prévisible. L’objectif est de mesurer la différence entre ce que la victime aurait gagné sans le dommage, et ce qu’elle peut raisonnablement espérer obtenir désormais. Cela inclut également les évolutions de carrière possibles, les promotions non perçues, les primes perdues, voire les changements de poste imposés par des séquelles.
Les frais divers et frais d'adaptation de vie
Au-delà des dépenses de santé et des pertes de revenus, le dommage économique peut engendrer des coûts de réorganisation du quotidien. C’est le cas notamment lorsque la victime doit adapter son logement et / ou son véhicule à un handicap, employer une aide à domicile ou modifier ses habitudes de transport. Ces éléments représentent une charge financière possiblement très lourde selon les cas. Ils nécessitent une appréciation individualisée, en fonction des besoins spécifiques de la victime, de son âge, de son mode de vie antérieur et des nouvelles contraintes auxquelles elle est confrontée.
L’évaluation du préjudice patrimonial par le juge
L’un des défis majeurs dans l’indemnisation des préjudices patrimoniaux réside dans leur évaluation chiffrée. Contrairement à une estimation subjective, ici, le juge s’appuie sur des données concrètes, des justificatifs, des expertises et parfois des projections économiques pour parvenir à une indemnisation équitable. Cette évaluation peut reposer sur une expertise médicale, pour estimer la perte de capacité professionnelle, ou sur une expertise comptable, dans le cas des entreprises. Les documents fiscaux, les bulletins de salaire, les relevés bancaires ou encore les devis de travaux sont autant d’éléments de preuve permettant au juge de fonder sa décision. La réparation du préjudice patrimonial repose sur le principe de réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime. Cela signifie que l’indemnisation doit couvrir exactement la perte subie, ni plus ni moins. Ce principe, bien ancré dans le droit français, impose une rigueur particulière dans l’analyse des demandes et des preuves fournies.
Les enjeux liés à l’indemnisation des préjudices patrimoniaux
L’indemnisation des préjudices patrimoniaux ne représente pas seulement une question de justice individuelle, mais aussi un enjeu collectif et économique. Elle implique des acteurs variés :
- compagnies d’assurance,
- fonds de garantie,
- institutions publiques,
- employeurs,
- et bien sûr, les victimes elles-mêmes.
Sur le plan social, la reconnaissance du préjudice patrimonial participe à la reconstruction de la victime, en lui offrant les moyens matériels de reprendre une vie aussi normale que possible. Cependant, cette indemnisation soulève aussi des questions éthiques et pratiques. Comment évaluer de façon prospective et avec suffisamment d'objectivité une carrière brisée ? Quelle "valeur" donner à une perte d’autonomie ? À partir de quand considère-t-on qu’un revenu perdu est définitivement irrécupérable ? Ces interrogations montrent que, derrière l’apparente objectivité des chiffres, se cachent des réalités humaines complexes.
Les limites de la quantification du préjudice patrimonial
Vous l'aurez compris, malgré leur caractère économique plus tangibles que leurs homologues extrapatrimoniaux, les préjudices patrimoniaux ne se laissent pas réduire à des montants toujours aisés à appréhender et d'ailleurs, certaines situations échappent totalement ou presque aux schémas classiques d’évaluation. Par exemple, un artisan indépendant dont l’activité repose en grande partie sur la réputation ou le bouche-à-oreille peut difficilement prouver ses gains futurs. De même, une personne en recherche d’emploi au moment du dommage devra faire valoir un potentiel économique plus hypothétique. La jurisprudence admet alors une certaine flexibilité, en autorisant des évaluations forfaitaires ou en recourant à des barèmes indicatifs. Toutefois, cette pratique pose la question de l’individualisation de la réparation, c’est-à-dire de la capacité du système juridique à s’adapter à chaque cas particulier sans sacrifier l’équité. Dans certains cas, les juridictions peuvent refuser l’indemnisation de certaines pertes jugées trop incertaines ou spéculatives. Cela démontre la frontière parfois floue entre réalité économique mesurable et simple projection hypothétique.
Bien évidemment, la meilleure chose à faire sera toujours d'être accompagné(e) par un avocat des victimes de la route pour défendre avec force et conviction les intérêts de toutes les personnes victimes de la situation.
Les préjudices extrapatrimoniaux
Il serait évidemment réducteur de considérer que le dommage subi par une personne s’arrête à la sphère de ses intérêts économiques ou matériels. Il existe une autre catégorie de souffrances, de pertes, d’atteintes plus intimes, que le droit reconnaît également et répare sous le nom de préjudices extrapatrimoniaux. Ces préjudices, bien que difficilement quantifiables en termes monétaires, n’en sont pas moins réels ni moins impactants dans la vie des victimes. Ils touchent à la personne elle-même, à son intégrité physique ou psychique, à sa dignité, à sa vie privée, à son lien aux autres. Si les préjudices patrimoniaux se mesurent avec des justificatifs, des chiffres, des pertes financières précises, les préjudices extrapatrimoniaux quant à eux relèvent par nature, bien qu'il faille aussi traduire tout cela de façon chiffrée, d’une autre logique. Ils se situent dans une zone plus sensible, moins évidente à cerner, où l’appréciation du juge se fait au regard des circonstances, des témoignages, des expertises médicales, et parfois même de la jurisprudence antérieure. On touche ici à ce que le droit peut faire de plus humain : reconnaître une souffrance, une atteinte à l’existence, et chercher à y répondre, non pour l’effacer, mais pour en atténuer la charge. Explorer cette catégorie, c’est donc entrer dans une dimension du droit où l’indemnisation n’est pas seulement fonction d’un calcul, mais aussi d’une écoute, d’une prise en compte de la subjectivité de la victime. C’est ce que nous allons détailler à présent.

Préjudices extrapatrimoniaux définition : qu'est-ce qu'un préjudice extrapatrimonial ?
Par opposition au préjudice patrimonial, le préjudice extrapatrimonial désigne tout dommage qui n’affecte pas directement le patrimoine de la victime, mais porte atteinte à sa personne dans sa dimension physique, morale, affective ou relationnelle. Il s’exprime par une souffrance, une perte de qualité de vie, une détresse psychologique, une atteinte à l’image de soi ou à la réputation. La difficulté principale réside dans son caractère non économique, donc non directement mesurable. Pourtant, la jurisprudence a depuis longtemps admis que ces atteintes devaient être réparées, au nom du principe de la réparation intégrale du dommage. Il ne s’agit pas ici de compenser une dépense, mais d’atténuer une douleur, de reconnaître une perte immatérielle, souvent invisible, mais toujours ressentie. Cette reconnaissance juridique ne se fait pas de manière automatique. Elle nécessite souvent une expertise médicale, des éléments médicaux ou psychologiques, des témoignages proches ou des preuves circonstanciées. Le juge se trouve alors face à la mission délicate de quantifier l’inquantifiable, d’évaluer ce qui relève de l’intime avec les outils du droit.
Les principales formes de préjudices extrapatrimoniaux
Dans la pratique, les juridictions ont progressivement construit des catégories types permettant de structurer la reconnaissance des différents préjudices extrapatrimoniaux. Ces catégories ne sont pas figées mais servent de repères à l’évaluation. Chacune d’elles correspond à une atteinte spécifique de la personne humaine.
Le déficit fonctionnel temporaire ou DFT
Ce préjudice désigne l’altération de la qualité de vie de la victime pendant la période précédant la consolidation de son état de santé. Durant cette phase, la personne peut être privée de ses activités habituelles, de ses loisirs, de son autonomie. Elle vit une forme de mise entre parenthèses de son quotidien, avec tout ce que cela implique en termes de frustration, de dépendance, de souffrance morale. Le déficit fonctionnel temporaire ou DFT est donc une composante essentielle de l’évaluation du dommage extrapatrimonial. Il ne se limite pas à la douleur physique, mais englobe également l’ensemble des répercussions sur la vie quotidienne, même en l’absence d’une incapacité professionnelle directe.
Le déficit fonctionnel permanent ou DFP
Lorsque l’état de santé de la victime est consolidé mais qu’il subsiste des séquelles, le droit reconnaît l’existence d’un déficit fonctionnel permanent ou DFP. Il s’agit d’une atteinte irréversible à l’intégrité physique ou psychique de la personne, qui affecte durablement ses capacités à vivre normalement. Cette notion englobe à la fois la perte d’autonomie, les troubles cognitifs ou moteurs, les limitations dans les gestes de la vie quotidienne, et plus généralement la diminution de l’usage normal de ses facultés physiques ou mentales. Elle concerne aussi bien les victimes lourdement handicapées que celles ayant subi des séquelles moins visibles mais persistantes.
Les souffrances endurées
Parmi les formes les plus évidentes de préjudice extrapatrimonial figure la douleur elle-même. Le droit reconnaît ainsi les souffrances physiques et morales endurées par la victime, que celles-ci soient ponctuelles ou prolongées, intenses ou modérées. Ce préjudice est évalué selon une échelle indicative, généralement de 0 à 7, qui permet de donner une orientation au juge tout en laissant une marge d’appréciation. L’objectif est de prendre en compte la nature des blessures, leur intensité, la durée des soins, les traitements subis, ainsi que les conséquences psychologiques attachées à cette douleur. Les souffrances endurées ne se limitent pas à la période de l’accident. Elles incluent également les douleurs post-opératoires, les traitements invasifs, les rééducations lourdes, et parfois même les douleurs chroniques qui s’installent à vie.
Le préjudice esthétique temporaire et permanent
Le préjudice esthétique renvoie à l’altération de l’apparence physique de la victime à la suite d’un dommage. Il peut s’agir de cicatrices, de déformations, de boiteries, de mutilations visibles ou de toute autre modification corporelle qui affecte l’image que la victime a d’elle-même et la façon dont elle est perçue par autrui. Ce type de préjudice est particulièrement sensible car il touche à l’identité, à la confiance en soi, aux relations sociales et affectives. Il peut engendrer un isolement, un mal-être, voire un refus de se montrer en public. L’évaluation du préjudice esthétique se fait également selon une échelle graduée, mais elle tient compte aussi de l’âge de la victime, de sa profession, de sa situation sociale, de l’importance de son apparence dans sa vie personnelle ou professionnelle. Un type de préjudice qui s'inscrit lui aussi doublement dans le temps et donnant lieu, comme nous l'avions vu précédemment, à l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire et permanent.
Le préjudice d’agrément
Le préjudice d’agrément concerne l’impossibilité pour la victime de pratiquer des activités de loisir qu’elle exerçait avant le dommage. Ce n’est donc pas une atteinte à la capacité de travail ou aux gestes quotidiens, mais bien à la sphère des plaisirs personnels, des activités récréatives, sportives, culturelles ou sociales. Il touche à ce qui fait le sel de la vie : courir, jouer d’un instrument, voyager, danser, jardiner. La privation de ces moments, qui semblaient acquis, peut représenter une perte de sens, un appauvrissement de l’existence. Pour que ce préjudice soit reconnu, il faut souvent démontrer que l’activité était régulièrement pratiquée avant le dommage et qu’elle ne peut plus l’être, même partiellement. Des attestations, des photos, ou des témoignages peuvent aider à établir cette réalité.
Le préjudice d’établissement
Ce type de préjudice concerne principalement les personnes jeunes au moment du dommage. Ce poste de préjudice vise à indemniser l'atteinte aux perspectives d’avenir, notamment en matière de formation, de vie de couple, de parentalité, de construction d’une carrière ou d’une famille. Il prend en compte les limitations ou les impossibilités nouvelles rencontrées pour mener une vie personnelle conforme aux projets que la personne nourrissait avant le fait dommageable. Il s’agit d’un préjudice prospectif, mais qui repose sur des critères objectifs : âge, situation familiale, séquelles, capacités relationnelles, etc.
Le préjudice sexuel
Encore trop peu connu ou reconnu, le préjudice sexuel constitue une atteinte à l’intimité et à la vie affective de la victime. Il peut prendre différentes formes :
- impuissance,
- frigidité,
- perte de libido,
- douleurs pendant les rapports,
- ou encore impossibilité d’avoir une vie sexuelle épanouie.
Ce préjudice peut résulter directement des séquelles physiques, mais aussi d’un traumatisme psychologique. Il s’évalue avec délicatesse, dans le respect de la pudeur de la victime, souvent avec l’aide d’expertises médicales ou psycho-sexologiques. Son indemnisation vise à reconnaître l’importance de la vie intime et l’impact qu’un dommage corporel peut avoir sur celle-ci, même si cette dimension reste encore trop souvent marginalisée.
Le préjudice moral ou d'affection
Le préjudice moral, dans sa dimension la plus large, désigne une souffrance psychologique résultant d’un événement traumatique. Il peut s’agir d’un choc émotionnel, d’une angoisse persistante, d’un trouble de stress post-traumatique, d’un sentiment d’abandon ou de culpabilité, voire d’une dépression. Il ne se limite pas à la victime directe du dommage. Il peut également concerner les proches : parents, conjoints, enfants, qui subissent eux aussi, par ricochet, les conséquences psychiques du drame. Ce type de préjudice est parfois désigné sous le nom de préjudice par ricochet. Son évaluation repose en grande partie sur des expertises psychiatriques, mais aussi sur des éléments de contexte : perte d’un proche, circonstances particulièrement violentes, isolement, changement radical de mode de vie, etc.
Les enjeux spécifiques des préjudices extrapatrimoniaux
L’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux pose des défis propres, qui tiennent à la subjectivité du dommage, à la difficulté de preuve et à la pluralité des formes qu’il peut prendre. Chaque cas est unique et les barèmes indicatifs ne sont là que pour guider, non pour contraindre. Le juge doit faire preuve d’une appréciation humaine et individualisée, en s’appuyant sur les éléments fournis par la victime mais aussi sur son expérience et la jurisprudence. La reconnaissance de ces préjudices est aussi une manière de redonner une place à la personne, dans ce qu’elle vit, ressent, perd ou traverse, au-delà des simples aspects économiques. Le rôle des professionnels de santé, des avocats, des experts, est ici central pour "documenter la souffrance", en comprendre les manifestations, les conséquences, et en traduire l’impact dans un langage juridique recevable. Ce travail d’objectivation de la douleur permet d’aboutir à une indemnisation plus juste, plus complète, et plus respectueuse de la dignité des victimes.
Demande en obtention d'indemnités pour préjudices extrapatrimoniaux
De la même manière que nous l'avons évoqué plus haut, toute demande en obtention d'indemnités pour préjudices extrapatrimoniaux gagnera en efficacité en étant soutenue par un avocat qui a fait de la défense des victimes de la route son sacerdoce.
Différence entre préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux
La première différence entre les deux catégories tient à la nature même du préjudice. D’un côté, le préjudice patrimonial relève d’une logique comptable : il affecte le portefeuille, le revenu, le patrimoine tangible de la victime. De l’autre, le préjudice extrapatrimonial concerne l’être, le corps, la subjectivité, les ressentis.

Des différences sur la vie de la victime
Les deux types de préjudices n’ont pas la même incidence sur la vie de la victime d'un accident de la route. L’un affecte ses ressources, l’autre sa qualité de vie, son identité, ses relations sociales ou affectives.
Le préjudice patrimonial : une atteinte à l’autonomie économique
Lorsque le dommage porte sur les revenus, les biens, les capacités professionnelles, la victime voit son autonomie financière restreinte. Elle doit faire face à des charges nouvelles, à des pertes de gains, à des frais supplémentaires. Cette atteinte peut la priver d’un logement, d’un emploi, d’une sécurité économique. Elle peut également engendrer une dépendance vis-à-vis de tiers, d’aides sociales, ou de proches. C’est une précarisation matérielle, souvent brutale et durable.
Le préjudice extrapatrimonial : une atteinte à l’existence même
À l’inverse, le dommage extrapatrimonial transforme l’expérience vécue de la vie : la douleur permanente, la perte de plaisir, l’isolement, la honte, la difficulté à se reconstruire. Il s’agit d’un préjudice existentiel, qui bouleverse le rapport à soi, aux autres, au monde. Il peut entraîner une rupture affective, une dépression, une marginalisation, une perte de confiance. Ces atteintes sont souvent moins visibles, moins documentées, mais elles s’infiltrent dans le quotidien de la victime, parfois de manière irréversible.
Une articulation nécessaire dans l’indemnisation
Si les préjudices extrapatrimoniaux et patrimoniaux sont différents dans leur essence, ils n'en demeurent pas moinsindissociables dans la réalité vécue par la victime. Une personne gravement blessée ne perd pas seulement un revenu ou une fonction, elle voit aussi sa vie bouleversée, son image altérée, ses liens fragilisés.
L'approche globale du dommage
C’est pourquoi le droit français s’oriente vers une approche globale et personnalisée de la réparation. L’évaluation ne se contente plus d’additionner des postes de préjudice, elle tente de reconstruire une image fidèle du dommage dans toutes ses dimensions. Cette approche se retrouve dans la nomenclature Dintilhac qui distingue clairement les deux types de préjudices mais qui invite à les penser ensemble, dans un souci de cohérence et d’équité.
L’exigence d’une réparation intégrale du dommage corporel
La séparation entre patrimonial et extrapatrimonial n’implique pas une hiérarchisation. Aucun des deux n’est supérieur ou inférieur. Tous les deux sont des atteintes graves à la personne, qui méritent une réparation complète. Le principe de réparation intégrale du dommage corporel impose au juge de prendre en compte l’ensemble des dimensions du dommage. C’est une manière de dire à la victime : votre souffrance n’est pas réductible à une facture, mais elle mérite d’être reconnue, entendue et soulagée, autant que possible. Dans cette perspective, la différence entre préjudice extrapatrimonial et patrimonial devient alors un outil d’analyse au service d’une meilleure compréhension du vécu de la victime, et non un cloisonnement juridique rigide même si cela se matérialise comme nous allons le voir par une logique d'évaluation et des méthodes de preuve différentes.
Une évaluation selon des logiques différentes
L’une des différences les plus marquantes réside dans la manière dont le dommage est apprécié et chiffré. L’évaluation du préjudice patrimonial repose sur un calcul financier, souvent mathématique même s'il reste forcément comme nous l'avons vu des choses qu'il faut tenter d'évaluer de manière plus subjective (avancement rendu impossible, carrière brisée). À l’inverse, l’évaluation du préjudice extrapatrimonial cherchera à "encadrer la subjectivité" en reposant sur des barèmes indicatifs et une approche graduée.
L’évaluation du préjudice patrimonial : une logique de reconstitution
Dans le cas d’un préjudice patrimonial, le montant de l’indemnisation dépend d’un calcul : somme des pertes + somme des dépenses – éventuelles compensations déjà perçues. Il s’agit d’un processus de restitution objective, visant à rétablir une situation économique initiale. Cela suppose de projeter dans l’avenir certaines pertes futures (perte de gains, besoins médicaux à venir, etc.) mais toujours sur la base de données tangibles. L’évaluation, ici, est un exercice de projection économique fondé sur des hypothèses.
L’évaluation du préjudice extrapatrimonial : une logique de reconnaissance
Le préjudice extrapatrimonial, lui, ne peut être réparé par une simple somme d’argent. Il ne s’agit pas de compenser une perte, mais de reconnaître une atteinte à la personne. L’indemnité n’a pas vocation à rétablir une situation antérieure, mais à atténuer, autant que faire se peut, les conséquences d’une souffrance ou d’un traumatisme. Les juridictions s’appuient sur des barèmes indicatifs, sur des jurisprudences antérieures, mais conservent une part d’humanité dans leur appréciation. Le juge doit adapter sa décision au vécu individuel, à l’histoire particulière, à la singularité du dommage.
Des modes de preuve différents
La distinction entre les deux types de préjudices entraîne également des différences majeures en matière de preuve. En effet, le système juridique, s’il tend vers la réparation intégrale du dommage, n’implique pas la même démonstration selon qu’il s’agit d’un dommage patrimonial ou extrapatrimonial.
Preuve du préjudice patrimonial : factures, justificatifs, expertises économiques
Pour prouver un préjudice patrimonial, il est possible de s'appuyer sur des éléments concrets : pièces comptables, bulletins de paie, devis, contrats, bilans financiers. Le droit se fonde sur la réalité objective des pertes ou des dépenses. Cette rigueur vise à éviter les abus mais aussi à garantir une réparation exacte, sans enrichissement injustifié. La logique est celle de la traçabilité : chaque euro réclamé doit correspondre à un manque, à une perte, à une charge avérée.
Preuve du préjudice extrapatrimonial : expertise médicale, témoignages, observation du vécu
La preuve du préjudice extrapatrimonial est quant à elle forcément plus délicate. Il ne s’agit pas de produire des factures, mais de décrire, illustrer, documenter une souffrance ou une altération de l’existence. L’expertise médicale joue ici un rôle fondamental : elle permet de quantifier le déficit fonctionnel, d’évaluer les souffrances endurées, d’objectiver un trouble psychologique. Parfois, les témoignages de proches, les écrits personnels, les certificats psychiatriques, ou même les photos, peuvent venir étayer le vécu de la victime. Le juge dispose d’une marge d’appréciation importante pour évaluer la gravité du dommage non économique.
Tableau de la liste des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux
Préjudices patrimoniaux | Préjudices extrapatrimoniaux |
---|---|
Les dépenses de santé actuelles ou avant consolidation (DSA) | Le déficit fonctionnel temporaire (DFT) |
Les frais divers (FD) | Les souffrances endurées (SE) |
Perte de gains actuels avant consolidation (PGA) | Le préjudice esthétique temporaire (PET) |
Assistance temporaire par tierce personne avant consolidation (ATTP) | Le déficit fonctionnel permanent (DFP) |
Les dépenses de santé futures après consolidation (DSF) | Le préjudice d’agrément (PA) |
Les frais de logement adaptés (FLA) | Le préjudice esthétique permanent (PEP) |
Les frais de véhicule adapté (FVA) | Le préjudice sexuel (PS) |
L’assistance par tierce personne après consolidation (APTP) | Le préjudice d’établissement (PE) |
Les pertes de gains professionnels futurs après consolidation (PGPF) | Le préjudice permanent exceptionnel (PPE) |
L’incidence professionnelle (IP) | Le préjudice d’accompagnement (PAC) |
Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation (PSU) | Le préjudice d’affection (PAF) |
Les frais d’obsèques (FO) | |
Les pertes de revenus des proches (PR) | |
Les frais divers des proches (FD) | |
Les préjudices patrimoniaux exceptionnels (PEX) |